Proposition
de suite par Farida du 91
Soleil-enclume.
Cigales chantant la mort solaire. A quand la nuit? A quand la lune
et la brise rafraîchissante? Akli, dans son coin, sait que la
nuit viendra. La fraîcheur aussi. Il est là, assis, à
vivre sa solitude! Nostalgie, vide impressionnant, gouffre sans fin,
puits dans l'âme creusé par ses propres mains. Hier,
Paris. Hier, les rues trépidantes, les lumières roses
et bleues interdisant le droit d'exister à la nuit. Ici, la
lune n'a pas à exister. L'homme a mis un terme à la
puissance des éléments. Lorsqu'il marche au milieu d'une
société qui n'est pas sienne, il se sent si différent,
si étranger. D'abord, sa moustache. Elle affiche en grand format
son identité, son passé. Ensuite, le nez. Il se souvient
du jeune du 20ème qui s'est approché de lui: Monsieur,
vous ne seriez pas Kabyle?" Le regard narquois: "Si! Pourquoi?"
La réponse se grave dans sa mémoire: "Non, je crois
que ça se voit à votre pif!" Puis la façon
de marcher. Les citadins flottent; lui, le montagnard, il lève
le pied à une hauteur de trente centimètres au dessus
du sol, comme pour éviter les gros rochers qui encombrent les
sentiers de son pays natal. Enfin, l'accent. Il est étranger.
La nostalgie de la Kabylie: les champs, les chants (même funèbres,
instants de la communion des hommes pour affronter -accueillir?- la
mort avec dignité), les fêtes, les bêtes, les enfants,
les femmes et leurs robes printanières. Les hommes, non, ils
ne lui manquent pas tellement. Ils sont tous là, dans les rues,
avec les mêmes visages, les mêmes problèmes. Le
sourire perdu depuis la naissance. Ils disent que la malédiction
les a suivis même ici en France. Peut-être? En tout cas,
la misère n'a pas besoin de visa. France, pays d'accueil, dit-on.
Pays qui ne peut recevoir toute la misère du monde. ça
le fait sourire, cette histoire de "misère du monde"
que les hommes politiques se transmettent comme un talisman porte-bonheur.
Ce qui est sûr, c'est que toute la misère de France est
partagée par les étrangers.
Cris! "Kaci, t'es fou, bouges-toi un peu!" C'est le patron
du restaurant où il déjeune tous les midis. Son expression
préférée pour appeler ses employés nords-africains
est "mon ami le bougnoule!" ça ne fait rien, on est
en France. "Si c'était en Kabylie, je t'aurais fracassé
ton nez!", lui répond-il à chaque fois, en Kabyle
bien sûr. Il ne faut pas prendre de risque. Akli le comprend.
Ici, on communie dans la langue.
Aujourd'hui, il est dans son village natale. Ses parents sont décédés
pendant son exil. Il lui reste les terres et un peu de courage, ce
que la France a bien voulu lui laisser. Il est donc en Kabylie, c'est
vrai, c'est sûr. Il se le répète vingt fois de
suite pour le croire. En Kabylie où il traîne sa nostalgie
de la France. Là-bas, (il sourit, en vérité,
il devrait dire là-haut, dans tous les sens du terme), il avait
en moins un travail, un salaire. Il était arrivé un
moment où même les quatre contrôles de police qu'il
subissait par jour ne lui faisaient rien. Il a tout bu: la honte et
la colère. "Tout est dans mon gosier, mon Dieu, c'est
pire qu'un litre de wihisky sec!". Ici, en Kabylie, il y a les
montagnes. Ouais, c'est beau, mais ça ne fait pas manger son
pain à son petit bonhomme. Il y a le respect, la vie communautaire;
il y a aussi les regards de travers, les lâches qui ruminent
des insultes sans les crier... Finalement, tout s'équilibre.
La seule continuité qu'il garde est son surnom "L'Etranger".
En France, en Kabylie, tout le monde l'appelle "L'Etranger".
Comme ça, on est sûr de n'être nulle part. Parfois,
il a envie de brûler ses papiers: passeport, pièce nationale
d'identité et diplômes. "Comme j'ai brûlé
mon destin!" Il repense à sa défunte mère
qui, le jour de son départ pour "fransa", lui a rappelé,
en pleurant, le vieux proverbes que ses ancêtres se léguaient
de génération en génération, comme un
"dé", comme une "malédiction: "Va
mon fils, cette terre chasse ses enfants!" Il repense à
ce mois où toute sa Kabylie était à feu et à
sang et où la voix de sa mère lui est parvenue comme
par enchantement: "Mon fils, où es-tu?"
Et demain, le frère qui revient, avec son air d'homme qui a
tout réussi. Comme tous les "immigrés", il
sera encombrer de valises, de cadeaux, de nourritures. Il s'est sans
doute privé toute l'année pour ces quelques moments
de bonheur qu'il aura le sentiment de donner à tout le monde,car
lui aussi est très généreux "Va-t-il nous
ramener des savonnettes de Marseille qu'il présentera aux femmes
de la famille et des coupons de tissu , des foutas et foulards faites
avec de la soie de chine et des produits de beauté faits avec
une mixture de lait de chamelle du Sahara d'Algérie et de tigresse
du Sri-Lanka?" Akli doute même de l'existence de tigres
au Sri-Lanka.
Soleil de midi fracassant les crânes La chèvre noire
et squelettique du voisin qui bêle. Une rigole d'eaux noirâtres
traverse la cour dans laquelle il se trouve. Les mauvaises odeurs
arrivent à son nez, mais il ne veut pas se déplacer.
Quand les échevaux de la mémoire sont mis en marche,
il faut achever le tapis avant de se lever. Il ne faut pas casser
le fil de la pensée. Cette fois-ci, il doit encore boire sa
honte, avouer sa défaite parce qu'il a un service à
demander à son frère. Pour ne pas penser à cet
instant qu'il voudra solennel pour montrer le sérieux de la
requête, il replonge dans sa mémoire, la fouille et pense
à la famille qu'il avait en France. "Je l'ai détruite
pour satisfaire mes caprices", pense-t-il, car, même s'il
ne l'avoue pas publiquement, au fond de lui-même, il regrette
cette entreprise un peu hâtive et hasardeuse. Lorsqu'il..avait
décidé de quitter la france définitivement pour
rentrer au pays,il n'avait pas pensé un seul instant qu'un
jour viendra où il demanderai à son frère Rabah
d'acceuillir l'un de ses enfants chez lui avenue d'Italie dans le
13eme arrondissement de Paris pour pouvoir faire de longues études.De
plus l'enfant qui va devoir prendre la route pour l'etranger est sa
fille qu'il cherit Thasa.Pourquoi elle et non son frère Idir?
C'est parce que pour une fille ce n'est pas encore possible de trouver
du travail même si elle a fourni des effots soutenus pour, une
fois les diplômes en poche la plupart reste à la maison
en attendant de trouver un mari et fonder une famille.Plus de carrière
proffessionnelle.
Akli veut donner plus de chance à sa fille.Il repense à
lui-même lorsqu'il faisait ses études à Paris.Cela
n'a pas toujours etait facile loin de là,il devait travailler
pour subvenir à ses besoins, il logeait à la cité
universitaire où il avait une petite chambre. Son oncle Ali
l'invitait à manger au restaurant toutes les semaines pour
lui changer les idées
et lui prodiguer de bons conseils.Il était courageux,jamais
négligent dans tout ce qu'il entreprenait.Toutours sérieux
dans ses études,élève brillant il est sorti premier
de sa
promotion.Mon Dieu que de souvenirs!Il se rappelle le jour où
il était venu chercher sa femme Ferroudja apres avoir préparé
leur petit nid d'amour, un F3 qu'il avait acheté avec ses petites
économies;rue de Tolbiac au 2eme étage d'un immeuble
qui en comptait 4,sans acsensseur.Il avait acheté aussi quelques
meubles et éléctromenagers
juste ce qu'il faut pour pouvoir vivre decemment.
Sa femme Ferroudja s'est montrée une épouse exemplaire,
douce,aimante s'occupant de son mari et de son petit Idir qui vient
de naître.D'une nature calme et sage Ferroudja se montre avisée
dans le choix de ses amies s'évitant ainsi les problêmes
qu'engendrent les mauvaises compagnies.
Akli se dit qu'il a de la chance d'avoir une si belle et agréable
femme il peut compter sur son aide et sa coopération dans n'import
quel domaine.
Le moment pour lui est venu de savoir s'il a vraiment raison d'avoir
confiance en sa femme ,de compter sur elle pour approuver la décision
délicate mais combien importante qu'il va devoir prendre et
decider ainsi de l'avenir de toute la famille.
Cela s'était passé à la naissance de Thasa. En
voyant cet être fragile, délicat et vulnérable
Akli a pris conscience d'une chose très importante:La vie de
ses enfants,
Oui ses enfants doivent être élevé dans leur pays,
apprendre leur langue, leur culture,comprendre les vraies valeurs,l'honneur
et la dignité des kabyles.
AKli veut faire part à sa femme de sa décision, non
sans appréhension car certains compatriotes ont carrément
brisé leurs familles , leurs épouses ne voulant pas
rentrer au pays.Akli s'engage dans le periphérique sud pour
rentrer chez lui bien décidé à parler dès
ce soir à sa femme, cela lui laissera du temps , pense-t-il
pour préparer le déménagement mais aussi permettre
à la petite Thasa de grandir un peu pour pouvoir supporter
le voyage en voiture d'abord jusqu'à Marseille ensuite la traversée
se fera en bâteau pour toute la famille.
Ferroudja était dans la cuisine en train de préparer
le repas favorit de son mari "barcoukes pois chiches et oeufs
durs" lorsque Akli lance un Azul fellawen.
Il explique à sa femme que depuis la naissance de Thasa il
n'a pas cessé de réflechir au cadre de vie dans lequel
il aimerai voir leurs enfants evoluer et celui qui lui parrait
le mieux n'est pas forcément ici bien qu'il ne leurs manque
rien mais il pense à leur avenir lointain.
Alors il expose sa décision à sa femme tout en la rassurant
qu'il a murement reflechi,qu'il n'agit pas sur un coup de tête,
qu'il agit pour le bien de leurs enfants et de toute la famille.Puis
regardant droit dans les yeux sa femme et lui dit: Tu sais ma chèrie,
si ma décision ne te convient pas dis le moi car je ne ferai
jamais quelque chose qui te contrarie ni sans ton approbation comme
nous avons vecu jusqu'à present.Nous avons tout fait en commun
et ça ne changera pas. Je te laisse réflechir à
la question et nous en reparlerons.
Ferroudja décèle dans la voix de son mari une certaine
anxiété et une angoisse qui tenallaient son coeur. Il
a misé le tout pour le tout avec un esprit d'abnégation
, il a mis de côté ses désirs, ses envies et surtout
son ambition de chercheur scientifique en acceptant un poste de prof
à l'université de Tizi.
Comment lui faire comprendre que je suis solidaire avec lui ? Elle
ouvrit la bouche et lui dit:
Je n'ai pas besoin de refléchir,, je te fais confiance et là
où tu iras, j'irai, là où tu vivras, je vivrai.
Quant à moi il n'y a que la mort qui pourra nous séparer.
A cet instant Thasa tire son père par l'épaule et lui
rappelle qu'il faut descendre en ville pour appeler son oncle qui
confirmera l'heure de son arrivée. le sourire de Thasa le tire
du puits, comme on dit ici. Il pense que finalement, il n'a pas tout
raté. Il n'a gâché qu'une certaine aisance matérielle,
mais la véritable richesse, le bonheur familial, il ne l'aurai
pas vécu en France comme il le vit ici en Kabylie où
on prend le temps de vivre, de se montrer aux autres et de les voir.
- Tu es pressée ma fille et tu as raison, mais là il
fait encore très chaud. Attendons que le soir tombe.
- Comme tu veux vava! lui répond sa fille avant de s'en aller.
En revenant, il a apporté avec lui deux voitures, de l'argent
et plein de rêves. Il a laissé une de ses voitures à
son plus jeune frère qui n'a jamais accepté de quitter
le pays. Il travaille comme taxieur et fait vivre sa famille par ce
moyen. Avec ses économies, il a construit une belle maison,
sans oublier la belle cuisine équipée qui fait le sujet
des discussions de toutes les femmes du village. Au village, il a
vite retrouvé sa place ce qui lui fait oublier, par moments,
cette appellation d'étranger. Tous les enfants l'appellent
"dada" et les vieux "mon fils". De nature généreuse,
il ne refuse jamais de rendre service. Il distribue une partie de
ses récoltes pour tous les nécessiteux. A l'assemblée
du village, sa parole pèse son pesant d'or. Il lui manque ses
oeufs sans coquille, et ce serait parfait. Pour ce qui est des rêves,
il n'en veut pas à son village ou à sa Kabylie. Il sait
que dans tout le pays, tout s'ach_e8te et tout se vend. Celui qui
a pris sa place s'y est pris comme tout le monde. "Moi même
j'aurais fait pareil si j'étais à sa place!" Dans
un pays jeune, il y a plus de demandeurs d'emploi que de poste. Alors,
si un de ses jeunes arrive, pourquoi pas lui céder la place,
même si on n'a que 40 ans. Lui, il n'est pas le plus mal loti.
Ses connaissances lui permettent de s'occuper, contrairement à
d'autres complètement désoeuvrés.Les reponses
négatives à ses demandes d'emploi ne l'affectent pas
il met à profit ce temps libre pour mener à bien ses
expérences scientifiques notamment la mixture pour ses poules
et mettre au point l'arrosage automatique du potager de la tamazirt.
Il faut aller appeler le frère et il demande à ses enfants
de l'acompagner comme ça il se fera un grand plaisir en leurs
offrant des glaces chez son ami d'enfance hassan.
Pendant ce temps Ferroudja avait terminé de ranger la cuisine
,en bonne maîtraisse de maison elle tient à ce que tout
soit pret pour l'arrivée de son beau frère ,de sa belle
soeur et de leurs deux enfants.Elle attend son amie d'enfance et belle
soeur Nadia qui va l'aider à préparer les gâteaux
pour le jour J car tous les gens du village viendront pour souhaiter
la bienvenue pour les arrivants ou "immigrés" . Et
là on propose du café, du thé, des boissons à
l'orange ou autre et des gateaux,Ferroudja veut leur faire honneur.Nadia
arrive avec un peu de retard toute désolée elle trouve
sa belle soeur en train de casser les oeufs et pour mettre un peu
d'embiance car Nadia etait contrariée elle lui dit :Aller vient
m'aider en attendant que mon mari réussisse son experience.Elles
se sont mises à rire d'un rire franc et sincère comme
lorsqu'elles avaient 14 ans et qu'elles etaient au collège
à Tizi ouzou.
Ferroudja ne voit pas le temps passé, toujours occupée
dans sa maison,elle n'achète présque rien , elle confectionne
tout elle a des mains en or. Tricot, couture,broderie,et crochet personne
ne risque de manquer de quoi que ce soit chez elle , elle en fait
même pour les voisines qui ne manquent pas de la récomponser
par de menus services.